09/02/2011

Verdict / Justin Peacock

Je crois que, dorénavant, je vais arrêter d'évoquer les mentions spéciales faites sur les livres. J'ai déjà eu l'occasion de le faire ici et bon, c'est devenu tellement agaçant et tellement courant aussi qu'il vaut mieux passer, se préoccuper de l'œuvre, même si elle est aux antipodes de ce qu'on a bien voulu nous faire croire. Quand je dis on, je parle bien sûr des éditeurs. Il paraît que c'est pas facile en ce moment, alors tout est bon apparemment pour sortir du lot. Heureusement, il arrive qu'on ait du bol et que le livre ne soit vraiment pas mauvais du tout. Comme je le répète régulièrement ici, c'est pas mal d'être surpris. C'est plutôt la pratique qui me dérange, en fait. Tenez, dernièrement dans Livres Hebdo on a eu droit à une pub : « par l'éditeur de... » à laquelle il vous suffit de rajouter le titre d'un blockbuster de la mort pour que l'affaire soit dans le sac. Pour que vous soyez déjà prêt à taper à la porte de votre libraire ou à le contacter par mail pour qu'il vous le mette de côté dès sa sortie. Tsss...

Promis, bientôt, j'arrête d'en parler de ces apâte-lecteurs. Je m'octroie juste une dernière fois avec ce Verdict de Justin Peacock où sur la première page, vous trouvez un beau : « élu thriller de l'année par le Washington post ». C'est beau, hein ? Sauf que j'ai encore beau chercher le thriller, ben je le vois toujours pas. Y'a peut-être une petite sueur froide à un moment donné quand il y a une voiture qui se fait emboutir par derrière et que... non, je ne vais tout de même pas vous dévoiler l'unique scène d'action du livre qui découle de cet accident, non ? Alors du coup, quand même je me dis, ben mon BiblioMan(u), t'es plus à la page, tu dois te gourer dans la définition du thriller, ça a peut-être évolué depuis quelque temps. Les étiquettes, c'est bien connu, tout le monde s'amuse à les déplacer dans les magasins, alors dans l'univers des livres, tu imagines. Mais avant ça, je vais voir sur le site des éditions Sonatine et je vois une toute autre mention sur la page de ce Verdict : « Elu meilleur livre de l'année par le Washington Post et le Los Angeles Times ». Ma part naïve me fait penser que ce doit être un problème de traduction à couches multiples. Parce qu'après tout, voici ce qu'ils disaient dans le Washington Post : "When the prizes are awarded for this year's best first novel, 'A Cure for Night' will be competing for the gold. » En gros, si différents chroniqueurs de ce prestigieux journal disent la même chose pour les livres qu'ils ont aimé, il ne faudra pas s'étonner si on trouve plusieurs bouquins sacrés « meilleur livre de l'année par le Washington Post »...

J'arrête... j'arrête.

Avec cette entrée en matière, vous pourriez penser que je n'ai pas apprécié Verdict de Justin Peacock. Eh bien si. A plus d'un titre. Depuis que j'ai découvert Gianrico Carofiglio et ses romans judiciaires j'ai régulièrement des bouffées d'envie de lire des histoires se déroulant dans un tribunal. J'ai bien lu un ou deux Grisham il y a bien longtemps sans être vraiment séduit . Aussi quand un nouveau nom apparaît, j'essaie de le lire. Pour voir.

Et là, c'est quand même assez bien fait. Parce qu'avec cette histoire d'avocat déchu, contraint de devenir avocat d'office après une sordide histoire de drogue qui a coûté la vie à une de ses collègues avec qui il entretenait une relation, Justin Peacock dresse un portrait assez crédible de la justice américaine dans son mode de fonctionnement. J'ai hésité à dire réaliste, mais je ne suis pas spécialiste, alors...

En tout cas l'opposition très marquée qu'il dresse entre un avocat commis d'office et de cabinet est assez intéressante. L'argent et l'ambition sont bien sûr au centre de celle-ci et Justin Peacock ne manque pas de souligner que le travail, lui reste identique. Qu'il ne s'envisage pas uniquement en terme de carriérisme. (Un petit retour sur le Coupable idéal de Jean-Xavier de Lestrade pour illustrer ceci ne peut d'ailleurs pas faire de mal). Mais l'auteur ne s'arrête pas non plus à cette seule vision. Il revient aussi à plusieurs reprises sur la notion de vérité, précisant que celle-ci n'est pas forcément capitale dans l'instruction d'un dossier, l'objectif étant parfois de lui substituer une version convaincante à même d'innocenter un prévenu. Avec ce que cela implique de problème de conscience.

Verdict se lit avec un plaisir certain, on y trouve son comptant d'objections rejetées ou retenues, les apartés avec le juge, les ajournements... des éléments attendus, connus, et qui ont l'avantage d'être mis en scène autour d'un narrateur avocat, dont les préoccupations, qu'elles soient d'ordre professionnelles ou personnelles, toutes empreintes de doutes et d'une certaine forme de fragilité, ne laissent jamais indifférent ni insensible.

Verdict, Justin Peacock, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Johan-Frederik Hel Guedj, Sonatine, 450 p.

2 commentaires:

Brize a dit…

C'est vrai, polar juridique n'équivaut pas forcément à "thriller judiciaire" (pour reprendre l'expression utilisée par l'éditeur) !
Quant aux petites citations accrocheuses mises en avant dans les présentations des romans policiers, elles deviennent tellement fréquentes qu'elles en perdent toute crédibilité.

BiblioMan(u) a dit…

@Brize: ça en devient même parfois surprenant quand elles ne disent des choses qui se révèlent exactes...